Description / Textes des participants.

Café Sauvage - Description / par Pierre-Yves.


Un lieu ouvert aux spécificités de chacun, qui permet d’exprimer des choses profondes, intérieures, aux autres sans être rejeté. Le «  chez soi ailleurs » avec des valeurs de respect, qui prennent vie naturellement. L’ouverture ressentie aide à s’ouvrir soi même, et les éventuels freins sont compris.
Personnellement, je me suis investi un peu plus dans le lieu après plus d’un an passé à me détendre au contact des membres, mais je n’ai pas ressenti de pression, d’incitation à…J’ai fait le chemin moi même, et je me retourne sur ce temps où j’ai su me dépasser en faisant des permanences, entre autres, avec bonheur.
Je ne ressentais pas de toute puissance derrière le bar, plutôt l’idée que cela facilitait le contact avec mon binôme, et celles et ceux qui souhaitaient consommer. Quelqu’un m’a dit un jour qu’à cette place, je faisais comme je le sentais. Quelques mots qui donnent de la confiance, je vois plus ça comme un moyen de rassurer, et le café, sur ces trois ans aura su me montrer, me prouver des choses sur moi même et mon rapport aux autres qui m’ont fait grand bien.
L’humanité ressort vainqueur de tous ces moments, dans les mots comme dans les gestes. Ce lieu a été porté par des mains, des âmes puissantes, puissantes et belles, dans l’originalité parfois, dans l’authenticité, énormément. Des valeurs communes qui n’ont pas empêché d’être nous mêmes !

Café Sauvage - Description / par Antoine.


Ils partîment 500 là-bas, sans savoir vraiment où. 
Trois traînards. Perdus. C'était chaud pour eux, surtout que l'un des trois crevait la dalle, l'autre s'asséchait de soif à vue d’œil, et le dernier était déjà mort. 
Donc en fait ils n'étaient bien que deux à zoner au sein de rues qu'ils savaient Normandes, sans plus. L'un dit à l'autre : 
- On est où ? 
L'autre dit à l'un : 
- Caen. 
- Comment ça quand, je te demande où ? 
- Eh bien Caen. 
- Mais quand quoi ? 
L'autre comprend et dit à l'un : 
- Quand je te dis Caen, je ne dit pas quand comme « c'est quand le temps qui passe », mais Caen comme Caen la ville, Caen la mer, Caen tout ça quoi. Caen la géographie. 
L'autre comprend et dit à l'un : 
- Ah oui, je comprend. Caen. 
Et ils poursuivirent leur marche, toujours perdus, mais un peu moins car à Caen au moins ils savaient qu'ils étaient, mais toujours perdus un peu car ils ne savaient tout de même pas où ils allaient, encore. 
Quand l'autre dit à l'un : 
- Eh mais attend 
- Quoi ? 
- J'ai dit attend, laisse-moi finir. 
- Oui donc quoi ? 
L'autre se racle la gorge, crache à terre un énorme glaire verdâtre que même un cafard il trouverait ça dégueulasse, et dit à l'un : 
- J'ai entendu parler d'un lieu super cool dans le coin des environs. 
 L'un semble intéressé et demande à l'autre : 
- Ah ouai ? 
L'autre répond à l'un : 
- Ouai. 
Puis après un temps de silence incommensurable, l'un dit à l'autre : 
- Et c'est quoi ? 
Alors l'autre répond à l'un : 
- C'est un truc du nom de café saufache. 
L'un, interloqué, demande à l'autre : 
- Saufache ? 
L'autre, sûr de lui, confirme à l'un : 
- Saufache. 
- Tu ne voudrais pas plutôt dire Sauvage ? 
- Ah oui, sauvage. 
Et d'un commun accord, ils se rendèrent tous deux en ce lieu portant le nom patronymique de Café Sauvage. Sauf que ni l'autre, ni l'un ne savait où ce lieu se trouvait, ni ce que c'était concrètement.

Café Sauvage - Description / par C.

Dans la pièce où tout le monde se concentre, on entend surtout les chips et des biscuits apéritifs croqués discrètement. La bouche serrée pour retenir ce qui pourrait être écho trop audible dans le silence, tout petit bruit progressif et gêné. Si l’on était moins poli, on s’apercevrait que c’est le parfait accompagnement pour les touches des claviers, le frottement des stylos ou des feutres sur les feuilles. Les phrases aussi hésitent, elles avancent et disparaissent, elles sont refaites, redites, essayées encore et encore. Des phrases, des chips. On dévore, on savoure et l’on est mal à l’aise à la fois, de ce qui sort, de ce qui pourrait sortir.

Pourtant, nous ne sommes pas là pour raconter des histoires porno, des choses inconvenantes ou indiscrètes. Nous sommes arrivés là depuis la rue Saint Manvieu. Pas d’un seul coup, non, pas d’un seul trajet. Nous sommes arrivés dans cet état de flottement, d’errance, de recherche. C’est un bel état en vérité : on survit, on vit après le lieu, on continue le nous. Peut-être est-ce ce qu’il fallait faire, la consigne à suivre : refaire ce parcours de là-bas à ici, de l’ancien Café à l’ambulant, comme nous appelons cela aujourd’hui. Dire le lieu comme il apparaissait. Mais est-ce vraiment cela le Café Sauvage ? N’est-ce pas plutôt, définitivement, ce qui continue ici, maintenant et les autres jours, depuis.

Le lieu ce serait finalement cela : cet instant où l’on se rencontre, où cela se fait et existe. Le lieu du Café, c’est celui que l’on investit, que l’on habite, même l’espace d’un instant si fugace soit-il. Le Café c’est ce nous inclusif, englobant, confortable et chaleureux comme un canapé, quel qu’il soit. Celui du premier étage de la maison que nous avons quittée ou celui d’ici. Le lieu, que ce soit pour un concert, pour une cantine on l’on pèlera pas moins de 10 concombres, un karaoké où inévitablement on chantera Céline Dion et Renaud, c’est finalement ce nous ensemble qui fabrique : une terrasse, les petites pousses de menthe au printemps, le salon du premier, ces fichus fûts qu’il faut changer alors qu’on ne sait pas vraiment comment faire et que l’on se colle toujours plein de bière partout, les rires, toutes ces plaisanteries légères.

Alors, que ce soit une maison en ville, un hangar qu’il faudrait partager avec d’autres, un bateau qui ne tient à un ici, quelque part qu’avec des cordages sur une bite d’amarrage, c’est le Café, un chez soi. Peut-être que nous tous, nous tenons de cette petite chatte noire et blanche que j’ai souvent vue traverser la rue : le pelage un peu fou, un peu gris d’avoir traîné les rues et qui sait se refaire un espace accueillant, même sans qu’il soit nécessaire qu’il y ait une adresse fixe, définitive. Tant que Pascal nous offre des crevettes, que nous ne suivons pas tout à fait les consignes, nous sommes au Café Sauvage.

Café Sauvage - Description / par Benjamin

Description d'un souvenir flou.
Il faudrait que nous reparlions sérieusement de ce qu'il s'est passé là-bas.
Je crois que c'était en plein milieu de la journée dans le café dit café sauvage, tu sais ce lieu concret et alternatif qui se veut être un palliatif à la dérive intransitive de l'idéologie lucrative.
Je dis « Je » mais en fait ce qui est dingue c'est qu'à ce moment je n'étais pas en posture de subjectivité agissante.
J'étais assis à boire un jus à la graine, quelque chose comme ça, je ne sais plus vraiment car quand tu arrives là-bas il y a une espèce d'énergie expansive biohardcore qui saisit les corps et les âmes.

Ça me fait penser aux théories thermo-dynamiques les plus récentes qui montrent que la matière est avant tout guidée par une dialectique immanente qui vient influer sur l'être.

C'est donc là, sans trop comprendre ce qui était en train d'advenir que ça a eu lieu.
La lumière du soleil était éblouissante, ce qui fait que je n'ai pas bien discerné le moment où elle a sorti son flingue.
Ce qui est sûr c'est que depuis cet événement les langues ont encore du mal à se délier.

Café Sauvage - Description / par Camille

Un monceau de coussins forme le canapé du premier étage. Une fenêtre quadrillée de larges carreaux, dénudée de ses rideaux, le surplombe. Des couvertures bigarrées, des morceaux du free-shop et quelques chargeurs abandonnés le recouvrent. Il fait face à une vieille cheminée au repos. Un recoin du mur l'encadre d'un côté tandis qu'à sa droite, se dresse un fouillis à demi rangé.
La première rencontre fût légère, presque anodine. Alors que je découvrais l'étage du café pour la première fois, mon regard se hasardait négligemment sur les choses. Peut-être ne m'étais-je même pas figuré la couleur des gros coussins bleus. Ce canapé, encore inconnu, ne m'était qu'un support comme un autre où s'entassent et se rencontrent des fesses curieuses.
Plus tard, la vie au sein du café nous a plus intiment réunis. Alors que la musique et le soleil s'amusaient sur la terrasse, je m'isolais discrètement dans la pièce libérée d'activités et m’affalais sur l'objet. Je goûtais à sa douceur, mais bientôt la fatigue prit le dessus, le plaisir du repos entachant maintenant le souvenir.
Au cours des semaines qui ont succédé ce premier échange, nous avons appris à nous connaître autrement. Le tissu moelleux est devenu mon bureau. Munie d'écrans, carnets et stylos, je m'isole dans ses bras feutrés et lutte contre la paresse.
Un matin, profitant d'un espace de vide avant le début d'un concert, je plonge avec lui dans la luxure. Une pâte à tartiner comme seule victime.
Et puis, un jour, arrive le grand moment. Il est midi passé et le besoin de me réfugier s'exprime. Je monte à l'étage et délaisse négligemment mes affaires au pied de mon nouvel ami. J'attrape une couverture qui forme une boule dans un coin et me cache sous sa protection. Mes jambes engourdies s'étendent et se mêlent à la chair du canapé. Je laisse mon corps entier s'y abandonner. Entre deux rêves décousus, j'entends Céline ouvrir la porte de l'étage et prendre place sur le canapé voisin. L'impression d'étrange familiarité, parfois si difficile à capturer, me gagne. Bientôt, ce lieu de l'entre deux, cette maison éphémère opère un légers soulagement.

C'est juste un Fallet.

C'est Justin Fallet ?

C'est juste, hien, Fallet !

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